domingo, agosto 17, 2008
Le Pen, 80 ans – La crise du FN
(um artigo de Alain de Benoist)
Toujours plus réactifs que réflexifs, les gens de droite ont tendance à se déterminer en fonction des personnes plus qu’en fonction des idées. Les partis de droite sont eux-mêmes bien souvent des outils de pouvoir personnel, et c’est la raison pour laquelle ils survivent rarement à ceux qui les ont fondés. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, en France, le Front national traverse à l’heure actuelle une crise profonde au moment même où son leader, Jean-Marie Le Pen, atteint l’âge de quatre-vingts ans.
Né le 20 juin 1928 à La Trinité-sur-Mer, en Bretagne, où son père était patron-pêcheur et sa mère fille de paysans, Le Pen devint «pupille de la nation» en 1942, son père ayant trouvé la mort après que son bateau eut sauté sur une mine. Deux ans plus tard, en novembre 1944, il cherche à s’engager dans les Forces françaises de l’intérieur (FFI), mais n’y parvient pas en raison de son jeune âge. «Monté» à Paris pour y faire ses études de droit et de sciences politiques, il milite très tôt dans les milieux de droite. En 1949, il est élu président de la Corporation des étudiants en droit, dont il deviendra le président d’honneur en 1952.
Dès cette époque, il s’impose comme une «grande gueule», qui ne dédaigne jamais de faire le coup de poing. En janvier 1953, il organise une colonne de secours d’étudiants volontaires pour porter assistance aux populations néerlandaises sinistrées par les inondations.
Deux ans plus tard, on le retrouve en Indochine, où il sert comme sous-lieutenant dans le 1er Régime étranger parachutiste. Repéré par Pierre Poujade, il est se présente aux élections et est élu député de Paris en 1956. A l’âge de vingt-sept ans, il est alors le plus jeune député de l’Assemblée nationale. Réélu en 1958, il adhère au Centre national des indépendants (CNI)présidé par Antoine Pinay, devient le secrétaire général du Front national des combattants(FNC) et se porte à nouveau volontaire pour se battre en Algérie. Un peu plus tard, il participera également à l’opération franco-britannique de Suez, ce qui lui vaudra d’être décoré de la Croix de la valeur militaire.
Rentré en Métropole, Le Pen reprend ses activités politiques. En 1965, il est directeur de campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour, alors candidat à l’élection présidentielle. En octobre 1972, il fonde le Front national et en devient le président. Le parti végétera pendant plusieurs années, avant d’accéder à la célébrité en 1983, lorsque son secrétaire général, Jean-Pierre Stirbois, remporte à Dreux le score inattendu de 16,7 % au terme d’une campagne essentiellement axée contre l’immigration.
C’est le début d’une ascension de trente ans, au cours desquels Jean-Marie Le Pen va, entre 1984 et 2004, occuper plusieurs fois un siège de député au Parlement européen, être élu conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur en 1992 et 1998, et se présenter régulièrement à l’élection présidentielle, scrutin qu’il a toujours privilégié en raison de sa médiatisation. Alors qu’à l’élection présidentielle de 1974 il n’avait recueilli que 0,75 % des voix, il en obtient 14,3 % à la présidentielle de 1988, 15 % à celle d’avril 1995, enfin 16,8 % à celle d’avril 2002, où il parvient à se qualifier pour le second tour (il y portera son score à 17,7 % des voix, contre 82,2 % pour Jacques Chirac).
Le Pen s’impose à cette époque comme une force de la nature. Ses discours, émaillés de formules qui nourrissent d’innombrables polémiques (et bon nombre de procès), lui valent d’être diabolisé par la gauche et l’extrême gauche, tandis que la droite de gouvernement le tient à l’écart. Ses idées progressent pourtant incontestablement, surtout dans les milieux les plus populaires, au point que l’on parlera à partir de 1996 de «lepénisation des esprits».
Cependant, Le Pen nourrit aussi l’illusion de croire que tout peut reposer sur lui.
Courageux, possédant une indéniable culture historique, doté d’un instinct politique aigu, ce n’est en revanche pas un théoricien. Son but principal est moins de défendre des idées, dont il change d’ailleurs assez fréquemment comme l’attestent les variations de son programme (notamment en matière économique), que de rassembler une «famille» politique traditionnellement divisée. Il a surtout une tendance marquée à mettre à l’écart tous ceux dont il craint qu’ils lui fassent de l’ombre, ce qui lui a interdit de jamais organiser sa succession. La plupart de ses proches en feront l’expérience, à commencer par Jean-Pierre Stirbois et Bruno Mégret. En 1998, ce dernier a d’ailleurs fait scission pour créer un Mouvement national républicain (MNR), qui dépérira assez vite. Mégret, tout récemment, a même annoncé son intention de se retirer de la vie politique et de quitter la France.
Constamment représenté par les tenants d’un «antifascisme» obsolète, auquel la montée du FN a donné naissance par réaction, comme un extrémiste et un «raciste», Jean-Marie Le Pen est en fait l’un des hommes politiques français qui ont les premiers mis en oeuvre un véritable populisme. Le populisme n’est pas une idéologie, mais un style. Le Front national a souvent été décrit comme un parti national-populiste.
Mais c’est précisément sur le terrain du populisme que le FN a été concurrencé par Nicolas Sarkozy, qui a su très habilement séduire une large fraction de ses électeurs, en reprenant à son compte les préoccupations que Le Pen avait su exploiter (immigration, insécurité, chômage, critique de l’Europe, etc.), tout en donnant l’impression qu’il pourrait mieux y répondre que lui. A l’élection présidentielle de 2007, où Le Pen n’a obtenu que 10,4 % des voix, retombant ainsi à son niveau de 1984, Sarkozy a ainsi raflé dès le premier tour la partie plus petite-bourgeoise de l’électorat du FN, auquel seules les couches populaires et l’électorat ouvrier sont restés fidèles. Ces électeurs ont certes été déçus depuis, mais ne sont pas revenus pour autant au Front national.
Le FN est aujourd’hui en crise. Ses responsables se divisent sur des sujets comme l’avortement ou le régionalisme. Bruno Golnisch, longtemps considéré comme le successeur probable de Le Pen, n’a ni la compétence ni l’autorité nécessaires pour jouer ce rôle. Marine Le Pen, l’une des trois filles que le fondateur du FN a eu de sa première épouse, a renforcé son emprise sur le mouvement mais reste contestée par ceux qui lui reprochent de vouloir le «normaliser» en recherchant une respectabilité qui pourrait aboutir à sa banalisation.
L’appareil du parti, en proie de surcroît à de graves problèmes financiers, n’est plus guère à l’écoute de son électorat. En marge du FN, divers groupuscules s’agitent dans l’espoir, très irréaliste, d’en recueillir la succession.
Réélu président du FN au congrès de Bordeaux, en novembre 2007, Jean-Marie Le Pen peut pourtant se flatter des succès obtenus. Avec des scores allant en moyenne jusqu’à 20 % des voix, il a obtenu des résultats électoraux qu’aucun autre parti de la «droite nationale» n’avait jamais pu atteindre en un siècle. C’est de toute évidence à sa personnalité qu’il doit d’y être parvenu. Mais c’est aussi à sa personnalité qu’il doit de n’avoir jamais pu aller au delà.
Alain de Benoist
(15 juin 2008)
Toujours plus réactifs que réflexifs, les gens de droite ont tendance à se déterminer en fonction des personnes plus qu’en fonction des idées. Les partis de droite sont eux-mêmes bien souvent des outils de pouvoir personnel, et c’est la raison pour laquelle ils survivent rarement à ceux qui les ont fondés. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, en France, le Front national traverse à l’heure actuelle une crise profonde au moment même où son leader, Jean-Marie Le Pen, atteint l’âge de quatre-vingts ans.
Né le 20 juin 1928 à La Trinité-sur-Mer, en Bretagne, où son père était patron-pêcheur et sa mère fille de paysans, Le Pen devint «pupille de la nation» en 1942, son père ayant trouvé la mort après que son bateau eut sauté sur une mine. Deux ans plus tard, en novembre 1944, il cherche à s’engager dans les Forces françaises de l’intérieur (FFI), mais n’y parvient pas en raison de son jeune âge. «Monté» à Paris pour y faire ses études de droit et de sciences politiques, il milite très tôt dans les milieux de droite. En 1949, il est élu président de la Corporation des étudiants en droit, dont il deviendra le président d’honneur en 1952.
Dès cette époque, il s’impose comme une «grande gueule», qui ne dédaigne jamais de faire le coup de poing. En janvier 1953, il organise une colonne de secours d’étudiants volontaires pour porter assistance aux populations néerlandaises sinistrées par les inondations.
Deux ans plus tard, on le retrouve en Indochine, où il sert comme sous-lieutenant dans le 1er Régime étranger parachutiste. Repéré par Pierre Poujade, il est se présente aux élections et est élu député de Paris en 1956. A l’âge de vingt-sept ans, il est alors le plus jeune député de l’Assemblée nationale. Réélu en 1958, il adhère au Centre national des indépendants (CNI)présidé par Antoine Pinay, devient le secrétaire général du Front national des combattants(FNC) et se porte à nouveau volontaire pour se battre en Algérie. Un peu plus tard, il participera également à l’opération franco-britannique de Suez, ce qui lui vaudra d’être décoré de la Croix de la valeur militaire.
Rentré en Métropole, Le Pen reprend ses activités politiques. En 1965, il est directeur de campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour, alors candidat à l’élection présidentielle. En octobre 1972, il fonde le Front national et en devient le président. Le parti végétera pendant plusieurs années, avant d’accéder à la célébrité en 1983, lorsque son secrétaire général, Jean-Pierre Stirbois, remporte à Dreux le score inattendu de 16,7 % au terme d’une campagne essentiellement axée contre l’immigration.
C’est le début d’une ascension de trente ans, au cours desquels Jean-Marie Le Pen va, entre 1984 et 2004, occuper plusieurs fois un siège de député au Parlement européen, être élu conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur en 1992 et 1998, et se présenter régulièrement à l’élection présidentielle, scrutin qu’il a toujours privilégié en raison de sa médiatisation. Alors qu’à l’élection présidentielle de 1974 il n’avait recueilli que 0,75 % des voix, il en obtient 14,3 % à la présidentielle de 1988, 15 % à celle d’avril 1995, enfin 16,8 % à celle d’avril 2002, où il parvient à se qualifier pour le second tour (il y portera son score à 17,7 % des voix, contre 82,2 % pour Jacques Chirac).
Le Pen s’impose à cette époque comme une force de la nature. Ses discours, émaillés de formules qui nourrissent d’innombrables polémiques (et bon nombre de procès), lui valent d’être diabolisé par la gauche et l’extrême gauche, tandis que la droite de gouvernement le tient à l’écart. Ses idées progressent pourtant incontestablement, surtout dans les milieux les plus populaires, au point que l’on parlera à partir de 1996 de «lepénisation des esprits».
Cependant, Le Pen nourrit aussi l’illusion de croire que tout peut reposer sur lui.
Courageux, possédant une indéniable culture historique, doté d’un instinct politique aigu, ce n’est en revanche pas un théoricien. Son but principal est moins de défendre des idées, dont il change d’ailleurs assez fréquemment comme l’attestent les variations de son programme (notamment en matière économique), que de rassembler une «famille» politique traditionnellement divisée. Il a surtout une tendance marquée à mettre à l’écart tous ceux dont il craint qu’ils lui fassent de l’ombre, ce qui lui a interdit de jamais organiser sa succession. La plupart de ses proches en feront l’expérience, à commencer par Jean-Pierre Stirbois et Bruno Mégret. En 1998, ce dernier a d’ailleurs fait scission pour créer un Mouvement national républicain (MNR), qui dépérira assez vite. Mégret, tout récemment, a même annoncé son intention de se retirer de la vie politique et de quitter la France.
Constamment représenté par les tenants d’un «antifascisme» obsolète, auquel la montée du FN a donné naissance par réaction, comme un extrémiste et un «raciste», Jean-Marie Le Pen est en fait l’un des hommes politiques français qui ont les premiers mis en oeuvre un véritable populisme. Le populisme n’est pas une idéologie, mais un style. Le Front national a souvent été décrit comme un parti national-populiste.
Mais c’est précisément sur le terrain du populisme que le FN a été concurrencé par Nicolas Sarkozy, qui a su très habilement séduire une large fraction de ses électeurs, en reprenant à son compte les préoccupations que Le Pen avait su exploiter (immigration, insécurité, chômage, critique de l’Europe, etc.), tout en donnant l’impression qu’il pourrait mieux y répondre que lui. A l’élection présidentielle de 2007, où Le Pen n’a obtenu que 10,4 % des voix, retombant ainsi à son niveau de 1984, Sarkozy a ainsi raflé dès le premier tour la partie plus petite-bourgeoise de l’électorat du FN, auquel seules les couches populaires et l’électorat ouvrier sont restés fidèles. Ces électeurs ont certes été déçus depuis, mais ne sont pas revenus pour autant au Front national.
Le FN est aujourd’hui en crise. Ses responsables se divisent sur des sujets comme l’avortement ou le régionalisme. Bruno Golnisch, longtemps considéré comme le successeur probable de Le Pen, n’a ni la compétence ni l’autorité nécessaires pour jouer ce rôle. Marine Le Pen, l’une des trois filles que le fondateur du FN a eu de sa première épouse, a renforcé son emprise sur le mouvement mais reste contestée par ceux qui lui reprochent de vouloir le «normaliser» en recherchant une respectabilité qui pourrait aboutir à sa banalisation.
L’appareil du parti, en proie de surcroît à de graves problèmes financiers, n’est plus guère à l’écoute de son électorat. En marge du FN, divers groupuscules s’agitent dans l’espoir, très irréaliste, d’en recueillir la succession.
Réélu président du FN au congrès de Bordeaux, en novembre 2007, Jean-Marie Le Pen peut pourtant se flatter des succès obtenus. Avec des scores allant en moyenne jusqu’à 20 % des voix, il a obtenu des résultats électoraux qu’aucun autre parti de la «droite nationale» n’avait jamais pu atteindre en un siècle. C’est de toute évidence à sa personnalité qu’il doit d’y être parvenu. Mais c’est aussi à sa personnalité qu’il doit de n’avoir jamais pu aller au delà.
Alain de Benoist
(15 juin 2008)
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